Justine Mérieau
ÉCRIVAIN, ROMANCIÈRE ET NOUVELLISTE
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Docteur Malard ou la fuite mystérieuse
Roman 140 pages (2006)
Editions Bénévent





Interview en audio

Mes 3 livres (Juin 2007 - 09:40)

Articles de presse


 

On se souvient du fait divers relatant la disparition d’un certain médecin acupuncteur de la région de Caen, disparu soudainement sur un voilier loué à Saint-Malo en août 1999… Le praticien était accompagné de ses deux jeunes enfants.

L’affaire fit alors grand bruit et prit des allures de feuilleton durant des semaines, à la radio et la télévision. À ce jour, cette disparition compte parmi les énigmes du vingtième siècle. Malgré de nombreuses recherches, on ne sait toujours pas ce qui s’est réellement passé dans cette famille…

Le roman, même s’il n’est que fiction, retrace cette sombre histoire en s’appuyant sur les faits réels. Il en donne une certaine version, notamment sur ce qui aurait pu arriver à la femme du médecin, dont on retrouva des traces de sang au domicile des époux,  ainsi qu’aux deux enfants. Puisque le crâne de la fillette fut un jour remonté dans les filets d’un chalutier…

Une histoire mystérieuse et troublante, pleine d’émotion. Un drame passionnel… Pour lecteurs sensibles et curieux.

Extrait

Avertissement au lecteur :
cet extrait a été tiré du manuscrit et non du livre ;
il pourra donc se faire qu'on y rencontre quelques erreurs grammaticales ou autres


Chapitre III

 Le mardi 31 août 1999, soit le jour « J » moins un, au cabinet du docteur Malard, situé au premier étage d’un immeuble ancien de la ville de Caen,  l’ambiance entre le médecin et sa femme, présente ce jour-là, était plus tendue que jamais. Heureusement, il y avait affluence de patients…

Marion et Yvan s’affairaient chacun de leur côté et il était impossible à quiconque de deviner la situation. Pourtant, il régnait une tension quasi électrique entre les époux. Mais ils étaient les seuls à la ressentir. Et chacun d’eux savait pertinemment que lorsque la porte du cabinet se refermerait sur le dernier patient, l’inévitable explication aurait lieu. Il ne pouvait en être autrement, c’était obligatoire ; le grand départ annoncé devait avoir lieu le lendemain…

Le climat était explosif. Trop de non-dits, trop de faux-semblants s’étaient accumulés. Tous deux en étaient parfaitement conscients. Et puis, il était encore temps de crever l’abcès, c’était même d’une nécessité impérative, vu l’urgence… Pour, peut-être, y voir ensuite un peu plus clair.

« Alors, au revoir, monsieur Amaury ! N’oubliez pas votre prochain rendez-vous ! Je l’ai noté sur votre ordonnance. Oui, c’est ça… c’est dans huit jours ! À bientôt ! », dit Marion, se forçant à sourire naturellement à ce patient qui se faisait soigner depuis plusieurs mois par son mari.

La porte se referma sur lui. Silence total. C’était le dernier client…

Marion éteignit son ordinateur, nota quelques informations indispensables, rangea son bureau, alla refermer quelques tiroirs et portes de placards. Puis elle s’affala sur son fauteuil en regardant fixement devant elle, les yeux rivés au mur, se forçant à l’immobilité, à la détente. Elle se voulait calme, mais son calme était feint, elle ne l’était qu’en apparence. En fait, elle était totalement crispée et bouillait intérieurement… Sa nervosité était rentrée, de celles qui explosent lorsqu’il y a un trop plein retenu depuis trop longtemps.

Elle réfléchissait à toute allure. Tout ceci était grotesque… Partir ! Tout quitter ! Avec des enfants encore petits ! N’importe quoi ! Sans qu’Yvan ne tienne vraiment compte de ce qu’elle-même lui disait, de ce qu’elle voulait réellement !…

Elle était en colère. Déçue, aussi. Pourquoi Yvan ne voulait-il pas assumer ? Prendre ses responsabilités, comme tout mari et père normal ?... Ses ennuis étaient énormes ? Soit ! Elle le savait, et en souffrait suffisamment… Mais prendre la fuite !

Parce que c’était une fuite, ni plus ni moins. Et ça, elle ne le supportait pas…

Cependant, elle ne croyait qu’à moitié qu’il allait mettre son projet à exécution. Ce n’était tout de même pas possible… Et puis, partir à l’aventure à leur âge ! Certes, ils n’étaient pas vieux, mais quand même ! Ils n’avaient plus vingt ans ! Ni même trente… À leur âge, il fallait savoir être raisonnable, surtout avec charge d’enfants… Il fallait savoir garder l’acquit et ne pas lâcher la proie pour l’ombre.

« On sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on trouve… », se répétait Marion, qui trouvait ce vieil adage très sentencieux.

De toute façon, si Yvan était assez fou pour ne pas y renoncer, elle ne le suivrait pas… Surtout ne sachant pas s’il serait bien de retour pour rendre le bateau à la fin de la location, soit le dimanche 5 septembre… Il ne serait tout de même pas assez malhonnête pour ne pas ramener le bateau à la date prévue ? Et le lundi, c’était la rentrée des classes…

Vu tout ceci, dans l’expectative il ne serait pas question non plus qu’elle le laissât emmener les enfants, pour un peu qu’il décide de s’enfuir avec eux…

« Ça, sûrement pas ! », cria-t-elle malgré elle.

Et elle se disait en même temps que voyant cela, il ne partirait sans doute pas tout seul…

La porte s’ouvrit tout à coup, la faisant sursauter.

« Marion… cette fois, il faut qu’on parle sérieusement… Le temps presse, maintenant ! 

Yvan venait de faire irruption dans le bureau, les cheveux hirsutes, l’œil brillant, dénotant son excitation nerveuse. Malgré son envie de rester serein, ses gestes étaient un peu trop vifs et saccadés. Il était mal à l’aise, ne sachant par où commencer, ni quoi dire exactement…

– Tu as raison. Réglons ça ici, sans les enfants… Pas la peine de les perturber avec des idioties ! répliqua Marion d’une voix contenue. Alors, qu’as-tu à me dire ? Toujours les mêmes choses ? Cesse donc, avec toutes ces stupidités ! Rends-toi compte une bonne fois que tout ceci n’est pas réalisable ! 

– C’est tout à fait réalisable, puisque c’est ce que nous allons faire… rétorqua Yvan, d’un ton qui se voulait ferme et posé.

C’est la seule façon de nous en tirer, dans une situation devenue inextricable.
J’ai tout organisé, de A à Z, sois-en certaine. Je te l’ai assez expliqué… Aucun souci à avoir, tout est au point. Il faut que tu me fasses confiance et tu ne le regretteras pas… Nous aurons de l’argent, une vie confortable et agréable, et nous serons tous bien plus heureux qu’ici, crois-moi ! Ce qui ne sera pas bien difficile, et tu le sais parfaitement...

Marion explosa :

– Mais, Yvan, tu déconnes complètement ! Tu es devenu fou ! Alors, ainsi, tu veux vraiment te tirer comme un…. Comme un…. Comme un lâche ! Oui, c’est ça, comme un lâche ! cria-t-elle plus fort, comme il essayait en vain de dire quelque chose. Tu prends la fuite pour échapper à tes obligations… Au lieu d’y faire face ! Même si c’est difficile, on trouve toujours des solutions, mais on ne se barre pas ! D’ailleurs, si tu fuis avec le bateau, tu deviens également un voleur… Puisque tu ne le rendras pas ! Et puis, laisser notre maison derrière nous !… Qui n’est même pas finie de payer, en plus ! Et nos affaires ? Il faudrait abandonner toutes nos affaires, puisqu’il n’est pas possible de tout emporter sur un bateau…

Et puis, à cause de toi, nous deviendrions quoi, hein ? Y as-tu seulement pensé ? Nous ne serions plus que des fuyards recherchés par la police ! C’est ça que tu veux ? C’est tout ce que tu as trouvé à offrir à ta femme et à tes enfants ? Jamais j’aurais pensé qu’un jour tu en arriverais là ! Jamais ! Lorsque je t’ai épousé, jamais je ne t’aurais cru ainsi, je ne pensais vraiment pas que tu avais de telles idées en tête ! Je suis bien déçue ! J’espère que tu vas changer d’avis, redevenir raisonnable… Il est encore temps !

Yvan, en colère à son tour, trouva que ce n’était pourtant pas le moment. Il tenta de se contenir et répondit avec conviction :

– Jamais ! C’est trop tard… Ma décision est prise, et bien prise… Quant à être lâche, non, je ne le suis pas ! Je ne l’ai jamais été, et tu le sais bien. Et puis, la police ne sera pas après nous, et de ça je suis sûr… Parce qu’elle ne retrouvera jamais notre trace. Je sais parfaitement comment m’y prendre, j’ai bien étudié la question, et avec minutie ; j’ai déjà tout prévu, je te dis. Partir pour toujours, j’y ai bien réfléchi : c’est la seule et la meilleure des solutions pour nous, dans le cas présent. Il n’y en pas d’autres, malheureusement, contrairement à ce que tu crois. Tu sais bien qu’ils finiront par procéder à une saisie chez nous, tôt ou tard… On sera plus avancé, hein, lorsqu’ils nous auront pris tous nos biens ? Où irons-nous ? Avec quel argent ? Et ma clientèle, que deviendra-t-elle ? Je n’en aurai plus ! De quoi vivrons-nous ?… Voleur de bateaux ? Mais non. Pas vraiment. Ils sont assurés : leur assurance les dédommagera… Et laisser la maison ? Mais, justement ! Qu’ils la prennent ! Qu’ils se payent avec !… Là-bas, on en aura une bien plus agréable, bien plus confortable ! Quant à tes affaires et à tes vêtements, tu peux tout de même emporter ce que tu préfères… Pour le reste, tu rachèteras, à toi et aux enfants, tout ce que tu voudras dans notre nouvelle vie. Et de bien plus belles choses, si tu le souhaites ! Alors, tu vois bien ! Tout de même, tu devrais t’en rendre compte… tout le monde sera forcément content, et nous ne nous en porterons tous que mieux. N’aimerais-tu pas que nous puissions gâter davantage les enfants, que nous leur fassions enfin plaisir ?

– Oh, tes arguments… Il n’y a vraiment que toi de convaincu ! Et les enfants ne sont pas du tout malheureux ainsi… Je me suis toujours débrouillée pour qu’ils aient ce qui leur faisait plaisir. Donc, non et non ! Je ne suis pas d’accord et tu le sais ! Et tu peux bien dire tout ce que tu veux, ça n’y changera rien. Je ne veux sûrement pas partir comme ça, et je ne partirai pas ! Pas plus que les enfants, d’ailleurs. Jamais ! clama Marion excédée, avec détermination.

Jamais ! tu entends ! reprit-elle avec force. Jamais je n’entreprendrai un long voyage en mer, comme ça, à l’aventure ! Surtout avec Camilla et Marcus ! D’abord, ils sont bien trop petits… Je ne les entraînerai pas dans un voyage où tout peut arriver. Je ne mettrai certainement pas leur vie en péril. De toute manière, tu devais bien savoir que je dirais non : tu sais très bien qu’en plus, j’ai très peur en mer et que je suis incapable de supporter des jours et des jours de navigation… Alors, tu pars tout seul si tu veux, mais sans nous ! ».

Yvan Malard n’en pouvait plus. Doublement. D’abord, la journée avait été exténuante… Il n’avait eu que des patients venant se faire trouer la peau avec ses petites tiges d’or, et ses mains n’avaient cessé de passer d’un corps à l’autre. Ensuite, depuis qu’il préparait fiévreusement son voyage, la nuit il y pensait sans cesse et avait du mal à trouver le sommeil ; il n’arrivait plus à dormir que pendant très peu d’heures. Une intense fatigue se faisait à présent ressentir cruellement. Les réparties cinglantes de Marion l’achevaient encore davantage…  Impossible de la convaincre, il le voyait bien. Et il ne lui restait plus que ce soir… Il n’y parviendrait jamais. Il était atterré, se sentant horriblement impuissant, incapable de dominer une situation qui lui échappait.

Devant cette impossibilité, sa fatigue et son désarroi se transformèrent tout d’un coup en colère ; une colère intempestive, enfouie depuis si longtemps qu’elle faisait maintenant surface, prête à déferler. Et, ne pouvant plus convaincre, il craqua alors subitement... Il se mit à crier, à dire des insultes… Il ne se contrôlait plus, il en était devenu soudain incapable.

Tremblante et cramoisie, Marion rétorquait, pied à pied…

La colère des deux époux grimpait vertigineusement, atteignant des sommets… Elle en arrivait maintenant à son paroxysme. Ils continuaient à se quereller, ne sachant plus trop où ils en étaient, vomissant toute leur amertume, toutes leurs rancœurs… Et toute la tension qu’ils avaient refoulée depuis plusieurs mois, jaillissait à présent comme un cheval emballé.

Ils se lançaient un peu n’importe quoi à la figure, tout ce qui pouvait le plus les atteindre, leur faire le plus mal, sans aucune mesure ni retenue… Ils n’en avaient même plus conscience…

Ils criaient si fort, que parfois leurs hurlements sortaient dans la rue, par les fenêtres grandes ouvertes en ce mois d’été, atteignant l’oreille des autres.

Étonnés, les voisins habitués à ce couple travaillant en apparence toujours si calmement côte à côte, tendaient l’oreille, se penchaient à leur fenêtre, sortaient sur leur palier. Ou encore, descendaient voir ce qui se passait.

Des gens en train de laver leur linge au Lavomatic, au rez-de-chaussée du cabinet, entendant ces violents éclats de voix, sortirent à leur tour voir ce qu’il y avait.

Seuls, quelques clients du docteur savaient bien, eux, que depuis quelque temps le couple devait avoir des problèmes ; ils les entendaient de plus en plus souvent se disputer, même si c’était toujours très discrètement…

Alors que tout le monde se posait des questions, d’un seul coup le silence se fit, qui dura, s’éternisant ; la crise était finie… Certains en furent aussitôt soulagés, tandis que d’autres s’éloignèrent avec regret ; ces derniers devaient aimer le spectacle gratuit de leurs comparses les imitant, cela devait les rassurer… On est toujours rassuré de s’apercevoir qu’il en va de même chez les autres. Et puis, il y en aura toujours à qui le malheur d’autrui fait du bien, qui en ont besoin pour aller mieux…

À bout d’arguments, les époux Malard avaient fini par se taire. Ils n’étaient pas apaisés, mais vidés. Comme deux joueurs sur un ring, à force de donner des coups… Ils savaient que leur combat reprendrait plus tard ; ce n’était que le premier round… En attendant, ils avaient besoin de souffler un peu. D’autant que l’heure était tardive, il était temps de rentrer ; les enfants les attendaient à la maison. La vie continuait malgré tout…

Sur le chemin du retour, silence de mort… Jusqu’à Tilly-sur-Seulles. Dans la voiture, on n’entendait que le bruit du moteur et celui de la circulation. Etourdis et meurtris par leur violente dispute, s’étant tout dit pour l’instant, les époux en profitaient pour reprendre quelques forces avant le nouvel assaut qui ne manquerait pas de surgir prochainement ; puisqu’ils savaient bien que chez eux, forcément, ça allait recommencer de plus belle, étant donné l’importance de l’enjeu… Ils en avaient pleinement conscience.

Parce que cet abcès, il faudrait bien finir de le crever une bonne fois…